Réseau(x)

Toucher de l'herbe
Peut-être que c'est ça, la solution.

En tant qu’indépendant en début de carrière, on est un peu toujours obligé de faire son autopromo, de veiller à sa visibilité, etc. Les réseaux sociaux semblent un bon outil pour cela. Par exemple, pour tous les écrivaillons et autres plumitifs dont je fais partie, un réseau de microblogging tel que X (ex-Twitter) a longtemps paru incontournable. Mais comme chaque outil, il n’est pas neutre, et son évolution récente est plus qu’alarmante.

Et pour cause : en début de semaine, le 20 janvier, a eu lieu l’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, et l’arrivée au gouvernement du milliardaire d’extrême droite Elon Musk (qui, pour rappel, soutient l’AfD en Allemagne et fait des saluts nazis pour « témoigner son amour au peuple américain »). Voilà pourquoi le mouvement HelloQuitteX, initié par des membres du CNRS, a choisi cette date pour encourager à un grand départ de X, que Musk a racheté en 2022. Désormais membre du gouvernement états-unien, le milliardaire a en effet encore moins de comptes à rendre à la justice, et peut librement manipuler l’algorithme du réseau à ses fins politiques nauséabondes. En effet, sous couvert de « liberté d’expression », ce dernier est noyé de discours extrémistes et autres faux comptes qui le rendent peu ou prou inutilisable. Par ailleurs, pour certains, rester sur X, c’est aussi ne pas s’opposer à la dérive fascisante de Musk. C’est pourquoi un certain nombre de grands médias ont fait le choix de le quitter.

Alors quitter X, pourquoi pas, mais pour aller où ?

Un des principaux attraits des réseaux sociaux est le nombre : à partir d’une certaine masse critique, on est à peu près sûr de trouver son public. On pourrait donc envisager de se tourner vers les autres grands réseaux historiques, comme Facebook et Instagram, propriété de Meta, l’entreprise de Mark Zuckerberg. Malheureusement, ce dernier a lui aussi récemment démontré sa compatibilité avec le Trumpisme. En annonçant la fin des programmes favorisant la diversité au sein de Meta, ainsi que celle des mesures de fact-checking, Zuckerberg s’aligne sur le modèle libertarien et « anti-woke » cher à Musk et Trump. Il déroule donc lui aussi un tapis rouge à l’extrême-droite.

Mais que faire, alors ? Et pourquoi partir ? Chacun·e doit mettre en balance différents paramètres : l’utilité effective d’un réseau donné, le positionnement politique de ses propriétaires et à quel point on se refuse à les soutenir, et l’impact qu’il peut avoir sur notre santé mentale. Ce dernier point n’est pas à négliger : ces sociétés nous poussent à scroller depuis une quinzaine d’années, et les effets sur la capacité d’attention sont documentés. À titre personnel, j’avais pour ma part déjà quitté Facebook et X avant le 20 janvier, principalement pour ces raisons. Mais par ailleurs, même s’il ne s’agit pas d’un réseau social, je me sers encore de Whatsapp (autre propriété de Meta), car c’est mon seul moyen de contact avec un certain nombre d’amis. Encore et toujours, il faut trouver le bon compromis.

Il existe des alternatives moins problématiques politiquement, et où aucun algorithme ne va vous forcer à regarder des publicités ou des contenus que vous n’avez pas demandés. Bluesky, par exemple, fondé par l’ex-PDG de Twitter et qui se construit comme l’anti-X mais reste la propriété d’une entreprise privée, ou bien Mastodon, outil libre historique dont le fonctionnement par instances, assure une certaine indépendance, mais qui est plus cloisonné. Cependant, si l’évolution récente des grands réseaux sociaux confirme une chose, c’est combien il est risqué d’être à la merci des humeurs de milliardaires.

En effet, en quittant Instagram il y a quelques jours, je me suis rendu compte qu’un certain nombre de personnes que j’y suivais (artistes, maisons d’édition, etc.) n’avaient aucune autre vitrine sur le web. Ils m’ont donc perdu à cause des propriétaires de ce réseau. Si tout cela met en lumière une chose, c’est qu’il est urgent de se réapproprier ses données et sa présence sur la toile, en ayant son site, son blog, et si possible en s’hébergeant soi-même. Cela peut paraître bien trop compliqué, mais il existe des solutions, et vous avez peut-être dans votre entourage quelqu’un qui s’y connaît (coucou à celui qui m’héberge et se reconnaîtra). Ce que je dis là est une évidence pour des partisans de l’émancipation numérique comme Framasoft. Petit à petit, on finit par les écouter, même si c’est moins facile. Petit à petit.

Alors, pour faire sa promo, un site suffit ? Pas bien sûr. En attendant un retour au web décentralisé d’antan, le compromis que j’ai trouvé pour l’instant, c’est d’être présent (peu) sur Bluesky, Mastodon et LinkedIn, pour faire de la veille (car nombre de mes clients s’y trouvent) et relayer mes billets de blog. Et pour toucher des communautés spécifiques (de lecteurices, de développeurs de jeu vidéo), j’utilise Discord (encore une entreprise privée). Au fond, quelle que soit votre utilisation de ces réseaux, l’essentiel est de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier, et, comme dirait sûrement une Virginia Woolf 2.0, de garder un web à soi.

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