« Et l’IA, alors ? »

Luddites brisant un métier Jacquard, Penny Magazine, 1844

C’est la question qu’on me pose invariablement quand je dis que je suis traducteur. Parfois, le sous-entendu est « C’est utile ? Tu t’en sers ? » ; parfois, c’est plutôt « Alors, ce chômage, c’est pour quand ? » Et la question est légitime ! Je suis raisonnablement technophile (je me suis quand même fait fabriquer un clavier !), alors pourquoi est-ce que, en tant que traducteur, je n’utiliserais pas un outil de traduction comme il y en a tant ?

Pour de nombreuses raisons (et parce que j’ai le choix de ne pas le faire ; ce n’est pas le cas de tout le monde, j’y reviendrai). Avant que je les expose, une clarification s’impose : j’emploie l’expression « IA » (= intelligence artificielle) car c’est le terme employé un peu partout à l’heure actuelle pour désigner les grands modèles de langage (outils d’intelligence artificielle générative dont le plus connu est ChatGPT, produit par la société OpenAI) et dans une moindre mesure les logiciels de traduction automatique neuronale (comme DeepL). Ce sont ces « outils » auxquels je m’oppose. Je n’ai rien contre les IA qui aident à décoder le génome, à prévoir les catastrophes naturelles, ou à me faire croire que je suis intelligent quand je joue aux jeux vidéo. Je ne suis pas technophobe et j’ai une cible précise quand je parle d’IA.

Ce point évacué, voyons pourquoi je suis contre l’IA en traduction.

Réseau(x)

Peut-être que c'est ça, la solution.

En tant qu’indépendant en début de carrière, on est un peu toujours obligé de faire son autopromo, de veiller à sa visibilité, etc. Les réseaux sociaux semblent un bon outil pour cela. Par exemple, pour tous les écrivaillons et autres plumitifs dont je fais partie, un réseau de microblogging tel que X (ex-Twitter) a longtemps paru incontournable. Mais comme chaque outil, il n’est pas neutre, et son évolution récente est plus qu’alarmante.

Et pour cause : en début de semaine, le 20 janvier, a eu lieu l’investiture de Donald Trump à la présidence des États-Unis, et l’arrivée au gouvernement du milliardaire d’extrême droite Elon Musk (qui, pour rappel, soutient l’AfD en Allemagne et fait des saluts nazis pour « témoigner son amour au peuple américain »). Voilà pourquoi le mouvement HelloQuitteX, initié par des membres du CNRS, a choisi cette date pour encourager à un grand départ de X, que Musk a racheté en 2022. Désormais membre du gouvernement états-unien, le milliardaire a en effet encore moins de comptes à rendre à la justice, et peut librement manipuler l’algorithme du réseau à ses fins politiques nauséabondes. En effet, sous couvert de « liberté d’expression », ce dernier est noyé de discours extrémistes et autres faux comptes qui le rendent peu ou prou inutilisable. Par ailleurs, pour certains, rester sur X, c’est aussi ne pas s’opposer à la dérive fascisante de Musk. C’est pourquoi un certain nombre de grands médias ont fait le choix de le quitter.

Alors quitter X, pourquoi pas, mais pour aller où ?